« Cantine à 1 € » : des élus pas pressés de l’instaurer

La tarification sociale des cantines scolaires est une mesure qui peut ne rien coûter à une commune qui la mettrait en place. Pourtant, alors que la situation sociale des plus modestes ne cessent de se dégrader en France, le dispositif est peut présent autour de La Fouillade.

La mairie de Najac (photo : Najac infos)

Un tiers des Français déclare rencontrer des difficultés financières pour se « procurer une alimentation saine leur permettant de faire 3 repas par jour ». 32 % pour être précis. C’est ce qui ressort du Baromètre de la pauvreté Ipsos-Secours populaire paru en septembre. Peu après, les Restos du cœur se sont dit contraints de refuser des bénéficiaires face à l’afflux des demandes. Les information, rapports ou sondages démontrant la forte dégradation de la situation sociale en France se sont accumulées ces derniers mois.

Les communes doivent être volontaires
Même si les communes ont assez peu de prises sur cette situation, il existe néanmoins une mesure mise en place par l’État qui permettrait d’améliorer la situation des familles les plus modestes : la tarification sociale des cantines scolaires. Mais pour la mettre en place, ces communes doivent être volontaires. Et, alors que le dispositif existe depuis 2019 et que la situation sociale ne cesse de se dégrader, elles sont encore peu nombreuses à l’avoir instauré autour de La Fouillade. De plus, quand les élus l’envisagent, ils et elles ne semblent pas trop pressés. Voire, cas rare comme à Lunac, ils s’y déclarent clairement opposés.

De quoi s’agit-il ? Après avoir signé une convention avec l’État, la commune touche 3 € par repas facturé au tarif de 1€ ou inférieur, aux familles dont le quotient familial est inférieur à 1 000 € (1). Ce quotient prend en compte les revenus et le nombre d’enfants d’une famille. Autre condition : la commune doit mettre en place au minimum trois paliers de facturation qu’elle choisit et doit répondre à un critère de finances publiques que toutes les petites communes rurales remplissent. La mesure ne coûte donc rien à la très grande majorité des communes. Voire peut même leur rapporter si on ne prend pas en compte le travail nécessaire à la mise en place et au pointage des quotients familiaux.

Exemple fictif : avant la mise en place de la mesure, une commune facture les repas 3 € pour tous les enfants. Puis, elle décide de mettre en place la mesure avec les trois paliers suivants :

Quotient familial

Tarifs

Perçu avant la mesure

Perçu après la mesure

0-699

0,50 €

3,00 €

3,50 €

700-999

1,00 €

3,00 €

4,00 €

+1000

3,00 €

3,00 €

3,00 €

Cela signifie que pour le premier palier elle va toucher : 0,50 € (payés par les familles) + 3 € (aide de l’État) = 3,50 € contre 3 € auparavant. Pour le second pallier, ce sera 1 € +3 € = 4 €. Et 3 € + 0 = 3 € pour le troisième. La commune va donc percevoir plus d’argent après la mise en place de la mesure qu’avant. Tous les détails sont ici. On y verra aussi page 10, à quoi correspond un quotient familial de 1 000 € qui dépend des revenus et du nombre d’enfants.

Jusqu’à 108 € d’économie par mois
Dans cet exemple fictif, une famille de 2 enfants avec 3 000 € de revenus aurait économisé environ 50 € par mois en moyenne puisqu’il y a 36 semaines d’école par an. Si le tarif précédent avait été de 4 €, l’économie aurait été de 70 €. Pour une famille de 3 enfants, avec un revenu de 4000 €, l’économie pourrait aller jusqu’à 108 € par mois (2). On est donc très loin d’une mesure qui ne toucherait que les bénéficiaires des minimas sociaux.

Selon leurs choix politiques, les élus peuvent ajouter d’autres paliers pour faire bénéficier les familles très modestes d’un tarif encore plus bas et/ou de baisser le tarifs des familles qui ont un quotient familial supérieur à 1000 €. Saint-Antonin-Noble-Val a ainsi adopté la grille suivante (auparavant le tarif unique était de 3,25 €) :

Quotient familial

Tarifs

0 à 500 0,25 €
501 à 800 0,50 €
801 à 1000 1 €
1001 à 1400 2 €
1401 à 1800 3 €
+ de 1801 3,25 €

C’est « un quart des enfants scolarisés » qui sont concernés par le tarif le plus bas, selon Élisabeth Birs, la maire récemment élue (La Dépêche, 10/09). Dans les communes d’Ouest Aveyron communauté, d’après les chiffres que s’est procurés Najac infos, le pourcentage d’enfants qui pourraient bénéficier d’un tarif inférieur ou égal à 1 € se situaient en 2022 entre 10 % et 85 %. Sachant que la très grande majorité se situait au dessus de 30 % (3).

Sur 40 familles seules 8 pas éligibles
À la Salvetat-Peyralès qui a mis en place la mesure au 1er janvier 2023, on nous indique que « sur 40 familles, seules 8 » n’étaient pas éligibles. Joselyne Evano, 1ère adjointe explique : « Il s’est avéré que nous sommes dans un contexte assez difficile, je ne vais pas vous l’expliquer. Donc nous avons beaucoup de parents qui ont des difficultés, qui sont parfois sans emploi, ou parfois avec des nouveaux projets pour lesquels ils n’ont pas encore des revenus très importants. Donc c’était un peu normal de donner un petit coup de pouce. »

L’élue tient à souligner que la commune continue de prendre en charge une partie du coût des repas. Ce qui est d’ailleurs le cas dans toutes les communes. Puisque le tarif facturé, avec ou sans la mesure, est toujours inférieur au prix de revient total du repas. Rappelons également que les communes sont tenues par la loi de proposer « au moins 50 % de produits de qualité et durables au 1er janvier 2022 dont au moins 20 % de produits biologiques ». Ce qui a souvent représenté un surcoût.

Un peu de travail pour les agents
Parmi les communes que Najac infos a identifiées, citons également La Rouquette (rentrée 2022), Maleville (rentrée 2022), Salles-Courbatiès (rentrée 2022) et Limogne-en-Quercy (janvier 2023). Sur quatre communes contactées, aucune n’a évoqué une charge de travail très importante pour la mise en place mais la perception n’est pas identique partout. Toutes soulignent néanmoins que cela demande évidemment un peu de travail aux agents – qui ont déjà beaucoup à faire – pour collecter les justificatifs, réaliser la facturation selon les quotients et récupérer l’aide de l’État. À Saint-Antonin, la mise en place s’est faite en seulement un mois alors qu’une nouvelle équipe venait d’arriver. De plus elle s’est faite en concertation avec l’association et les délégués de parents d’élèves. Preuve qu’une mise en place rapide est faisable.

Les communes d’Ouest Aveyron communauté (OAC) ont été informées de la mesure par un agent de la communauté de communes en 2022. Mais fin 2023, une majorité ne l’avait pas encore mise en place. Ainsi à Najac où le prix du repas est passé de 2,70 € à 3 € à la rentrée, Gilbert Blanc, le maire, déclarait à Najac infos début novembre à propos du dispositif : « On n’a pas vraiment eu cette réflexion pour l’instant, il faut qu’on la mène. » Quelques semaines plus tard, Laurence Millat, son adjointe explique : « Le dossier est à l’étude, j’en avais déjà parlé en réunion [des élus] du lundi, mais vu qu’on ne s’ennuie pas, que les journées ne sont pas extensibles, et que ça implique – malgré ce qu’on peut croire – du temps de s’occuper de ce dossier, il n’a pas encore abouti. Mais j’y travaille. »

La Fouillade : « Une réflexion va être menée »
Sollicité par Najac infos le 12 décembre, le maire de La Fouillade (3,40 €) n’a pas donné suite. La question a néanmoins été abordée en conseil d’école le 16 octobre. Dans le compte-rendu rédigé par l’équipe enseignante, il est écrit : « Cantine à 1 € ? Une réflexion va être menée en mairie pour voir comment appréhender ce dispositif. » À Sanvensa où la maire n’était pas disponible pour nous répondre, on nous indique que la prochaine discussion des tarifs se fera « en juin-juillet pour la rentrée de septembre ». La mesure a été évoquée par les élus mais « on ne sait pas si l’État va pérenniser l’aide, c’est ça qui leur posait problème ».

À Monteils (3,20 €) dont le maire, Michel Delpech, est aussi président d’OAC qui, on l’a vu, a fait la promotion de la mesure, on nous indique que ça n’a pas été mis en place « parce qu’il faut demander les revenus aux parents et ça n’a pas été jugé opportun ». Et ça ne va pas être étudié à nouveau. « Même les parents d’élèves n’ont pas souhaité… donc on n’a pas donné suite. » À Bas-Ségala (3,40 €), Saint-André-de-Najac (3,45 €), Laguépie (3,30 €) la mesure n’a pas été mise en place non plus.

« L’aide de l’État elle vient d’où ? Du contribuable, non ? »
Christophe Puechberty, maire de Lunac

Lunac où le repas est à 3,45 € et où le niveau de vie médian est de loin parmi les deux plus faibles des communes de OAC (4), est un petit peu à part. En effet, le maire, Christophe Puechberty a une position très tranchée même s’il ne l’exprime qu’à mots couverts. Quand Najac infos lui demande pourquoi la mesure n’est pas en place dans sa commune, il répond : « Pour des raisons qui sont propres à notre conseil municipal. C’est tout. »

On demande quelles sont ces raisons. Réponse du maire : « On a pris notre décision et on la expliqué aux parents d’élèves mais on n’a pas à le justifier et encore moins dans la presse. » On rappelle les économies possibles pour les familles. Réponse : « Mais bien sûr, bien sûr, oui. L’aide de l’État elle vient d’où ? Du contribuable, non ? Tous les parents sont au courant de la décision du conseil municipal et personne n’a rien dit (5)On a nos raisons, ce n’est pas obligé que ce soit écrit dans la presse. »

Quelques jours plus tard, on envoie un message au maire suite à des propos qu’il aurait tenus en réunion d’école. Il écrit : « Ils n’ont pas été dit comme ça et ne justifie en rien la décision du conseil municipal 2022. » Najac infos répond alors : « Il y a des élus notamment chez Les Républicains qui trouvent qu’il y a trop d’aides, que certaines personnes sont assistées, etc. Et qui le disent. C’est une position comme une autre. Vous semblez trouver qu’il y a suffisamment d’aides sans avoir à en rajouter tout en refusant de l’assumer publiquement. Pourquoi ? » Question restée sans réponse.

157 milliards d’aides publiques aux entreprises en 2019
Concernant « l’argent du contribuable », on peut rappeler les 157 milliards d’aides publiques allouées, souvent sans condition, aux entreprises pour la seule année 2019, selon des chercheurs lillois. Ou encore les 67 969,62 € d’aides PAC (Politique agricole commune) perçues en 2022 par le GAEC de la Serène dont …Christophe Puechberty est le co-gérant.

On touche ici à une des limites de la mesure concernant la cantine et plus généralement de la « politique du chèque » très présente dans la société française, des plus riches aux plus pauvres (allègements de cotisations, chèque énergie, chèque carburant, aide à la rénovation, aides agricoles, bonus écologique, allocations familiales, prime d’activité, aide au logement, allocation de rentrée scolaire, prêt à taux zéro, prime de Noël, etc.). Ne vaudrait-il pas mieux que les gens (cadres, agriculteurs, chefs d’entreprises, aides à domicile, artisans, commerçants, employés, ouvriers, etc.) aient des revenus suffisants pour faire face à leurs dépenses contraintes plutôt qu’une kyrielle d’aides ? Ne pourrait-on imaginer une répartition des richesses plus équitable. Ou du moins ne pas se tromper de cible ? On en est loin. Voir par exemple cette vidéo édifiante du député France insoumise, François Ruffin, sur « le gavage en haut et le rationnement en bas ».

Toujours sur les limites de cette mesure, il faut noter que l’État ne s’engage que sur trois ans renouvelables. Depuis 2019, année de la mise en place du dispositif, il a toujours été reconduit. Mieux : L’aide de l’État est passée de 2 € à 3 € le 1er janvier 2021 et pourrait atteindre 4 € au 1er janvier 2024. Mais si l’État met un terme à la mesure, cela ne pourrait-il pas être compliqué pour les élus d’annoncer la nouvelle aux parents ? Réponse de Joselyne Evano (La Salvetat) : « Ça sera compliqué mais en attendant il y aura des gens qui y auront eu droit, des enfants qui auront mangé à la cantine. » De plus les communes ont anticipé en prenant bien soin de communiquer auprès des parents autour de cette incertitude.

►Voir aussi :

_____________

(1) Avant 2021, l’aide n’était que de 2 €.

(2)
(36 semaines x 2 € d’économie x 2 enfants x 4 jours par semaine)/12 mois = 48 €
(36 semaines x 3 € d’économie x 2 enfants x 4 jours par semaine)/12 mois = 72 €
(36 semaines x 3 € d’économie x 3 enfants x 4 jours par semaine)/12 mois = 108 €

(3) Les communes qui veulent en savoir plus notamment pour définir les tableaux et élaborer des prévisions budgétaires, ont la possibilité de contacter la Caisse d’allocation familiale et la Mutualité sociale agricole qui peuvent leur fournir la répartition de la population par coefficient familial.

(4) La moitié de la population de la commune a un niveau de vie inférieur à ce chiffre. Le-Bas-Ségala : 1 617 € – Bor-et-Bar : 1 424 € – La Fouillade : 1 699 € – Lunac : 1 488 € – La Rouquette : 1 824 € – La Salvetat : 1 553 € – Limogne : 1 675 € – Maleville : 1 738 € – Martiel : 1 770 € – Monteils : 1 740 € – Morlhon : 1 762 € – Najac : 1 592 € – Saint-André-de-Najac : 1 600 € – Saint-Antonin : 1 607 € – Salles-Courbatiès : 1 668 € – Sanvensa : 1 746 €.
Source : https://www.comparateur-territoires.fr/niveaux-vie/

(5) Sollicité Gaylord Navales, le président de l’Association des parents d’élèves, n’a pas souhaité s’exprimer.

La commune de Najac est “financièrement très très à l’aise”

C’est l’appréciation que porte un expert en finances des collectivités locales. La question qui se pose ensuite c’est : Que fait la commune de tout cet argent ? Bénéficie-t-il aux Najacois ? Les élus ne sont-il pas trop frileux ? Éléments de réponse du maire Gilbert Blanc.

Les chiffres clés des finances de la commune de Najac en 2021 (source : ministère des finances)

Les chiffres clés des finances de la commune de Najac en 2021 (source : ministère des finances)

« C’est une situation que bon nombre de communes aimeraient avoir. » C’est ainsi que Pascal Heymès, expert en finances des collectivités locales, interrogé par Najac infos, résume la situation financière de la commune de Najac. Quelques semaines plus tard, Najac infos rencontre Gilbert Blanc pour évoquer le sujet. Le maire de Najac cite « une personne de la trésorerie » (un service de l’État) qui a remis un rapport à la commune. Et quels sont les mots de ce fonctionnaire, selon l’édile ? « Beaucoup de communes aimeraient être comme Najac. » Étonnante proximité dans les termes de l’analyse pour deux personnes qui ne se connaissent pas. Il n’y a donc pas débat aujourd’hui : Najac est « une commune financièrement qui est très très à l’aise », comme le dit Pascal Heymès.

Mais alors, y-avait-il urgence à augmenter les tarifs d’entrée de la piscine en 2022 et supprimer la gratuité pour les enfants de moins de 5 ans (1) ? Y-avait-il urgence à augmenter ceux de la cantine scolaire en 2023 (+11 %) ? Dans un contexte de forte inflation et où les études et rapports se multiplient indiquant que de plus en plus de français sont en grande difficulté pour se nourrir (2) ? La commune n’aurait-elle pas pu faire un geste politique en disant : « Peut-être faudra-t-il augmenter les tarifs un jour mais compte tenu de la situation, on ne les augmente pas pour l’instant ? » Réponse de Gilbert Blanc : « On l’avait fait les années précédentes et cette année on a dit au regard des coûts des services, il faut qu’on limite un peu la charge financière pour la collectivité et donc on a décidé d’augmenter. On reste quand même dans des niveaux raisonnables pour les tarifs. »

300 000 € disponible chaque année
Était-ce si important de limiter les charges financières ? Car si on regarde les chiffres un peu plus en détail, on se rend compte qu’en 2021, la commune avait un fond de roulement – sorte d’équivalent du livret d’épargne pour un ménage – de 1,25 M€, un endettement qui allait devenir nul en 2022, un résultat comptable (différence entre recettes et dépenses) structurellement confortable à 377 000 € en moyenne sur 10 ans et donc une capacité d’autofinancement nette moyenne de 316 000 € sur 10 ans.

C’est à dire que Najac sur les 10 dernières années, une fois toutes les dépenses courantes et les annuités d’emprunts payés, a disposé de plus de 300 000 € chaque année pour financer des investissements. La rénovation de la piscine ou des logements communaux est d’ailleurs prévue. Un réseau de chaleur est aussi à l’étude. Avec ces 300 000 €, la commune aurait pu également décider de baisser ses recettes (les tarifs des services publics par exemple) ou d’augmenter ses dépenses de fonctionnement. Par exemple en embauchant.

Débordés de travail
Il y a en effet des arguments en faveur de l’embauche de personnel. D’autant qu’on entend souvent que les agents et les élus sont débordés de travail, que les projets pourraient avancer plus vite s’il n’y avait pas tant à faire. D’autant qu’il faut rappeler que les élus touchent une indemnité ridicule si on met leur travail en rapport avec le montant perçu par plusieurs d’entre eux (245 € brut pour le plus bas et même 0 pour plusieurs, voir ici pour le détail). Ce qui n’a pas empêché l’élu d’opposition, Mathieu Laroussinie d’aller jusqu’à suggérer, lors du dernier conseil municipal, que Fabrice Guibal, élu notamment en charge des marchés, assure la fonction de placier du marché (ici, vers 30′). En revanche, l’élu d’opposition ne questionnera pas le montant du salaire de placier qui se situe pas très loin du SMIC horaire alors qu’il s’agit d’un poste précaire consistant à travailler essentiellement le dimanche dès 7h du matin.

Au delà de cette anecdote surréaliste, rappelons que la commune a embauché un Volontaire territorial dans l’administration (VTA (3)). Mais pas de chance, le secrétaire de mairie est en arrêt maladie depuis le printemps et la personne recrutée a récupéré ses fonctions. « Cela nous a mis dans une grande difficulté », déclare Gilbert Blanc à propos de cette absence. Mais il reconnaît : « Je suis d’accord sur le fond, il y a un poste qui manque. »

« Ça ne nous autorise pas à faire n’importe quoi »
Mais le pas est difficile à franchir : « C’est une grosse décision que d’investir dans de nouveaux emplois. On recherche au maximum d’aller vers des emplois aidés. Là, nous avons déposé un dossier – je ne sais pas s’il va aboutir – pour embaucher un VTA, comme nous avions fait précédemment. Moi, j‘aimerais bien qu’on puisse avoir quelques emplois supplémentaires sur la commune. La question c’est comment on supporte le coût. On est dans une situation financière très confortable mais ça ne nous autorise pas à faire n’importe quoi. »

La question est bien les conclusions que l’on tire de cette situation très confortable qui, elle, on l’a vu, ne fait pas débat. Et où on met le curseur du « n’importe quoi ». Concernant les embauches, Pascal Heymès, pour sa part, déclare : « La commune a une CAF nette de 223 000 €. 223 000 €, on va dire, c’est bien 4 postes de catégories B. Et manifestement cette CAF très favorable est structurelle.» Par ailleurs, faut-il embaucher sur des contrats aidés donc précaires ou sur des contrats pérennes ?

Vient alors la question de savoir si les élus sont trop prudents voire trop frileux. Explications de Gilbert Blanc : « Moi je mets tout le temps en avant l’aspect financier quand on parle de choses. On me le reproche souvent mais bon, j’estime que c’est mon rôle. J’ai à cœur aussi – on n’en est pas là – de ne pas endetter la commune et de ne pas faire des choses irréversibles qui pèseraient sur l’avenir. Est-ce qu’on est très frileux ? Sur le fond, je pense que oui. Mais ça m’arrive aussi de dire aux élus : « Là-dessus, allons-y. On a de l’argent, allons-y. » Pas sur des dépenses de millions d’euros mais sur une dépense absolument nécessaire, on n’hésite pas. Je pense par exemple, quand on est arrivé, à l’équipement des personnels techniques. Quand je vois dans quelles conditions ils travaillaient…»

Village vacances : 4,5 M€ d’emprunts
On ne peut pas parler des finances de Najac sans évoquer le cas du village vacances de Puech Moutonnier. Pour lequel la commune a réalisé et continue de réaliser d’importants travaux de rénovation/modernisation dont la 3e tranche est en cours. Pour cela, elle a contracté plusieurs emprunts dont l’encours en 2022 était de l’ordre de 4,5 M€, le dernier devant se terminer en 2036. Ah mais ça change tout, vous direz-vous. Oui et non. Non parce que le bail signé avec VVF villages en 2005 et qui court jusqu’en 2034 prévoit, en son article 9, que l’association paye un loyer équivalent aux annuités d’emprunt. Donc c’est une opération quasiment transparente pour la commune.

Quasiment, car en cas de défaut de VVF, ce serait à la commune de rembourser les annuités d’emprunt. Un défaut de paiement s’il est aujourd’hui peu probable (5) n’est quand même pas à exclure. Et là oui, ça changerait tout. En effet, on a vu avec la Covid que le tourisme n’est pas toujours une valeur sûre. Et si la commune n’arrivait pas à trouver un autre exploitant ou à vendre le village qui compte 555 lits, une piscine découverte, une piscine couverte, un sauna, un restaurant, etc. la situation serait très compliquée. Car ce serait alors au budget de la commune, donc aux habitants, de payer les annuités d’emprunts : 629 000 € prévus en 2023. Une paille. Et dans ce cas, les impôts locaux augmenteraient quasiment mécaniquement dans de fortes proportions.

Les élus actuels, ou précédents qui ont signé le bail, ont-il envisagé un défaut de VVF ? « Nous, on n’a pas envisagé cette situation, répond Gilbert Blanc, j’ai coutume de dire : Chaque chose en son temps. » Et d’ajouter : « On a tous en tête que ça peut arriver mais c’est valable pour tous les baux. » Certes. Sauf que là, il ne s’agit pas du loyer d’un T2… Et comme VVF l’écrit dans son rapport d’activité 2022 au chapitre « risques » (p 32) : « Le secteur du tourisme est un des premiers secteurs à être particulièrement exposé aux conséquences des crises (économiques, financières, sanitaires, etc.), à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat. » Cette analyse pourrait-elle s’appliquer aux communes très dépendantes de l’activité touristique ? Dans un contexte national et international mouvementé, faudrait-il songer à infléchir la trajectoire ? L’histoire le dira.

Les trois élus d’opposition, Mathieu Laroussinie, Rémi Mazières et Claude Rabayrol ont donné suite à la sollicitation de Najac infos mais en raison d’un problème de mail lié à Najac infos, leur point de vue n’a pu être recueilli. Il leur a été proposé de le faire dans un second temps. Najac infos présente ses excuses à ces élus. [Mise à jour du 22/11/2023]

[Mise à jour le 24/11/2023 : suite à une remarque pertinente d’un lecteur, ajout de l’adjectif “horaire” à SMIC dans la phrase sur le salaire du placier]

Jacques-Olivier Teyssier

______________
(1) 25 % d’augmentation pour les enfants de plus de 5 ans (1,60 € à 2 €) et pour les 2 ans à 5 ans, on est passé de 0 € à 2 €. Pour les adultes : 17 % d’augmentation (3,5 € contre 3 €). Dans le même temps, la redevance reversée à la commune par l’AGAAC pour les touristes hébergés au camping dont l’accès à la piscine est gratuit, est de 2 € pour les adultes, 1 € pour les 5-11 ans et 0 € pour les moins de 5 ans (ici, p 36). À l’inverse, il faut noter que les Najacois ne bénéficient pas de tarifs préférentiels sur les activités de l’AGAAC.

(2) Lire par exemple : « Pauvreté : un Français sur trois s’est déjà privé de repas faute de moyens, selon une étude » (France inter, 6/9/2023) et « En 2023, une situation qui continue d’empirer en France, après une année 2022 déjà marquée par une forte dégradation sociale ! » (Baromètre Ipsos pour le Secours populaire)

(3) Les chiffres 2022 n’ont pas été encore publiés par le ministère des finances. Et si Najac infos disposent de chiffres 2022 pour Najac, tous les ratios ne sont pas présents.

(4) Un contrat de 18 mois maximum pour lequel la commune touche une aide de 15 000 €. Soit un reste à charge pour la commune très raisonnable.

(5) Dans son rapport d’activité 2022, VVF villages indique avoir réalisé un chiffre d’affaires en 2022 de 80 M€ et être propriétaire de 20 % des 101 sites qu’il exploite. Le taux d’occupation 2022 est en légère augmentation par rapport à 2019 passant de 59 à 62 %.